Quand j’étais enfant, vers 9 ou 10 ans, j’adorais aller près du ruisseau qui coulait en bas de chez moi. J’en scrutais le lit peu profond, à la recherche de minuscules coquillages en forme de spirale. Ils étaient, m’avait-on dit, les restes d’animaux disparus il y a très longtemps. Des fossiles… Ces petites pierres blanches en colimaçon me plongeaient à chaque fois dans un passé lointain qui me fascinait.
À chaque exploration du ruisseau, je sortais un de ces coquillages de l’eau, le faisais rouler entre mes doigts et l’observais. Je m’immergeais alors dans un temps révolu et – j’en étais persuadé – encore bel et bien présent. Je ne savais pas comment mais j’en touchais la substance, la vie. Mon imaginaire me faisait alors voir et ressentir ces minuscules créatures des mers, et aussi les géants à la surface de la Terre. J’avais la sensation de pouvoir les observer et d’être, moi aussi, dans leur monde. Leur regard m’hypnotisait, me tétanisait.
Au bout de quelques instants de cette rêverie qui m’avait emporté dans cet univers fabuleux, je relâchais le petit coquillage dans l’eau afin qu’il retourne dans le passé.
Je me prenais alors à rêver de moi plus tard. Je me connectais à ce futur qui me paraissait si distant, et où je serai chercheur de lézards géants, archéologue, ou encore historien des temps anciens. Je voulais être un explorateur du temps.
Adolescent, je me suis mis à dévorer tout ce que je trouvais sur les peuples anciens. Sur leurs vies, leurs façons de s’habiller, de manger, leurs modes de pensée et leurs manières de voir le monde. Quelle richesse ! Il y avait tant à découvrir… Je n’avais qu’une question à l’esprit : Comment faire pour être au plus près de ces hommes et ces femmes, vivre leurs vies à travers leurs regards et comprendre – ne serait-ce qu’un instant – comment ils voient le monde ? Comment est-ce de vivre en tant qu’Inca, Phénicien, Bantou, Mongol de la période des grandes invasions, ou encore au temps de l’art pariétal de Lascaux ? Et comment est-ce de vivre sur le sol français dans 50 ou 500 ans ? Il y a tant à explorer et à apprendre.
Je compris à ce moment-là que je voulais également être un explorateur de la conscience. Pour mieux connaître l’autre, aussi lointain et différent soit-il.
Lors de mon entrée au collège, il y eut une nouvelle ouverture, sur un nouvel autre qui m’a totalement fasciné : l’ordinateur. L’informatique et la logique m’ont « pris » et se sont instillés en moi. Le dialogue homme–machine m’a tout de suite passionné. Et surtout, j’ai commencé à comprendre ce qui fait qu’une machine est une machine, et en quoi l’être humain est ce qu’il est. Plus tard, devenir chercheur en intelligence artificielle m’a immergé dans la perception et l’intelligence du vivant. Je me suis enthousiasmé pour la simulation du comportement des fourmis et des essaims d’oiseaux, ainsi que pour le processus de décision de l’être humain. Et là ce fut un choc. J’ai réalisé que la perception n’est pas ce que l’on dit habituellement dans notre société. En effet, la perception, l’obtention d’informations, le vécu qui y est associé, la prise de décision et la créativité qui en découlent, ne correspondent pas à la vision de nos esprits occidentaux modernes.
Contrairement à la machine, les capacités du vivant, à commencer par les capacités perceptives, sont infinies. L’Humain peut réaliser et vivre bien des choses que l’artificiel seul ne pourra jamais. Il peut notamment s’affranchir des frontières qu’il croit être – à tort – ses limites absolues.
En réalité tout homme et toute femme peut percevoir au-delà des frontières de l’espace et du temps. La science et l’expérience personnelle le montrent. Et ce de manière incontestable.
Dès lors plusieurs questions viennent à l’esprit : Que faisons-nous de cela ? Que cela signifie-t-il sur la nature de l’Homme, du vivant et de l’Univers ? Que cela implique-t-il sur notre modélisation du monde ? Et enfin, comment pouvons-nous mettre à profit cette vision ? Le champ des possibles est immense. Les enjeux individuels et sociétaux tout autant.
J’ai réalisé mon rêve. Aujourd’hui je ne suis ni historien, ni archéologue, ni anthropologue. Mais je suis devenu un explorateur du temps et de l’espace. Un explorateur de la conscience aussi. Car ces trois-là sont inextricablement liés.
Les recherches scientifiques sur la perception intuitive nous apprennent comment développer cette capacité unique qui transcende ce que l’on pensait être infranchissable. Il suffit d’apprendre et de pratiquer pour en faire un outil aux potentialités sans équivalent. Utiliser notre intuition consciemment, c’est partir à la découverte de l’Univers, tels les navigateurs de jadis. C’est partir à la découverte de l’autre. C’est aussi partir à la découverte de soi. S’ouvrir à l’intuition, c’est prendre contact avec le lointain et c’est plonger en nous-même.
Le petit garçon qui tendait sa main dans l’eau du ruisseau la tendait aussi à l’homme qui écrit ces lignes en ce moment. Que ce petit bonhomme que j’étais, et qui est toujours actuellement en train de rêvasser au bord de l’eau, soit remercié d’avoir cru en lui et dans la magie du temps. À mon tour de lui tendre la main. De lui souffler à l’oreille que ses rêves seront, dans quelques années, devenus réalité.
Puissiez-vous explorer le monde avec le plus bel outil qui soit : vous-même.
Puissiez-vous réaliser vos rêves.
Suivez le guide : votre intuition.
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